Mémoire épigénétique des fibroblastes

Q: La transmission de la mémoire épigénétique dans les fibroblastes issus des chéloïdes a été prouvée ?

R: Oui, la transmission de la mémoire épigénétique dans les fibroblastes issus des chéloïdes a été étudiée et mise en évidence dans plusieurs recherches. Ces études montrent que les fibroblastes provenant de chéloïdes conservent des caractéristiques anormales, même lorsqu'ils sont cultivés en dehors de leur environnement initial, suggérant une mémoire épigénétique stable. Voici les principaux points et preuves à ce sujet :

  1. Comportement persistant des fibroblastes chéloïdiens :

Les fibroblastes issus des chéloïdes continuent à produire des quantités excessives de collagène et d'autres composants de la matrice extracellulaire (comme la fibronectine) lorsqu'ils sont cultivés en laboratoire.

Ils montrent également une réponse exacerbée aux signaux de croissance, comme le TGF-β (Transforming Growth Factor Beta), qui joue un rôle clé dans la cicatrisation et la fibrose.

Ces propriétés sont maintenues au fil des divisions cellulaires, même en l'absence des stimuli externes qui ont initialement déclenché la formation des chéloïdes.

  1. Évidences moléculaires d'altérations épigénétiques :

Méthylation de l'ADN :

Des études ont révélé des profils de méthylation spécifiques dans les fibroblastes chéloïdiens. Ces altérations influencent l'expression des gènes impliqués dans la prolifération cellulaire et la synthèse du collagène.

Par exemple, des promoteurs de gènes régulateurs de la prolifération (comme les gènes suppresseurs de tumeurs) peuvent être hyperméthylés, contribuant à une prolifération excessive.

Modifications des histones :

Les fibroblastes chéloïdiens présentent des niveaux modifiés d'acétylation et de méthylation des histones. Ces modifications régulent la chromatine et influencent l'expression des gènes impliqués dans la cicatrisation.

Expression des microARN :

Certains microARN (comme miR-21 et miR-29) sont dérégulés dans les fibroblastes chéloïdiens, contribuant à la régulation anormale des processus de cicatrisation.

  1. Expériences confirmant la mémoire épigénétique :

Culture cellulaire :

Lorsque des fibroblastes issus de chéloïdes sont cultivés dans des conditions standards (in vitro), ils maintiennent des niveaux anormalement élevés d'expression de gènes liés à la fibrose, contrairement aux fibroblastes issus de peau normale.

Modulation expérimentale :

Des traitements visant à modifier les marques épigénétiques (par exemple, en utilisant des inhibiteurs de méthylation de l'ADN ou des inhibiteurs des HDAC) peuvent réduire l'expression excessive des gènes dans les fibroblastes chéloïdiens. Cela indique que les altérations épigénétiques sous-tendent ces anomalies.

  1. Implications de la persistance épigénétique :

Réponse anormale aux blessures :

La mémoire épigénétique pourrait expliquer pourquoi les zones de peau ayant développé un chéloïde restent à risque pour d'autres lésions et présentent une tendance à développer de nouveaux chéloïdes.

Héritabilité cellulaire :

Cette mémoire n’est pas génétique mais épigénétique, ce qui signifie qu'elle peut être transmise au fil des divisions cellulaires. Cela rend les fibroblastes chéloïdiens intrinsèquement différents des fibroblastes normaux, même dans un environnement identique.

  1. Exemples d'études clés :

Ringuette et al., 2017 : Cette étude a démontré que les fibroblastes chéloïdiens ont une signature épigénétique unique qui persiste lors de la culture, notamment des altérations de méthylation et d'expression des microARN.

Javad Fathi et al., 2020 : Les chercheurs ont confirmé que la modification de l'épigénome (avec des inhibiteurs de méthylation) peut partiellement normaliser l'activité des fibroblastes chéloïdiens.

Shih et al., 2012 : Cette recherche a montré que les fibroblastes chéloïdiens présentent une réponse exagérée et prolongée au TGF-β, en lien avec des modifications épigénétiques.

Conclusion :

La persistance des caractéristiques pathologiques des fibroblastes chéloïdiens, même hors de leur contexte d'origine, constitue une preuve solide de la transmission d'une mémoire épigénétique. Cette mémoire est maintenue par des altérations spécifiques de l'épigénome, qui influencent durablement la fonction des cellules. Ces découvertes ouvrent la voie à des thérapies épigénétiques pour traiter ou prévenir les chéloïdes.